« On nous a appris à vivre, pas à mourir. Donc je ressens la mort d’un patient comme un échec. » « S’ils meurent, je me demande toujours si j’aurais pu faire autre chose pour les aider » « Je n’aime pas dire aux proches d’un patient que celui-ci est mort, alors je fais en sorte que ce soit quelqu’un d’autre qui le fasse. »
Ces paroles de médecins, recueillies dans le cadre d’une étude sur l’impact de la mort et du deuil sur les équipes de soignants, sont également les nôtres. En tant que chirurgiens vétérinaires travaillant dans des cliniques, nous devons parler aux propriétaires des animaux de l’évolution des maladies incurables et du processus qui aboutira au décès des patients.
Nous ne traiterons pas dans cet article la manière de gérer émotionnellement le processus de mort et de deuil. Nous avons abordé ce sujet en détail dans l’article « Comment faire face au décès de tes patients et réduire la fatigue de compassion ». Nous nous intéresserons plutôt à la meilleure façon de gérer ces circonstances émotionnellement sensibles, à la fois en termes de communication avec le client et d’environnement.
Une bonne gestion de la mort et du deuil par l’équipe vétérinaire sera le dernier souvenir que le propriétaire emportera avec lui de la vie de son animal.
Dans ces situations, c’est à toi qu’il incombe d’en faire l’expérience la moins douloureuse, la moins traumatique et la plus empathique possible.
Ce faisant, tu susciteras un sentiment de fidélité et un sens de la dignité pour le patient et tu gagneras une renommée professionnelle et personnelle en tant que vétérinaire ou technicien(ne) vétérinaire sensible, et en tant qu’équipe capable de faire un travail de qualité.
Comment te démarquer dans le cadre de la gestion du deuil
L’annonce d’une mauvaise nouvelle peut être reçue de manière différente par les personnes en fonction de la manière dont elles perçoivent le problème, du degré et de la précision des informations dont elles ont besoin et de la manière dont elles interprètent les informations que nous leur présentons. Les types de réponses que les personnes vont fournir peut également varier considérablement.
Ces facteurs étant eux-mêmes très variables, en tant que praticien(ne), tu dois t’efforcer de contrôler ceux qui sont à ta portée : l’environnement, le langage non verbal, la présence de tiers, le message verbal et les émotions implicites dans la communication.
Choisis le bon environnement pour annoncer une mauvaise nouvelle
- Choisis un endroit tranquille, confortable et le plus silencieux possible
- Assure-toi que vous ne serez pas interrompus et que vous aurez suffisamment de temps pour parler.
- Le respect de la vie privée et la priorité donnée au moment présent seront toujours bien reçus.
L’importance du langage non verbal
- Adresse-toi au propriétaire de l’animal en le regardant dans les yeux.
- S’asseoir à côté de lui/d’elle (et du patient).
- Adopte un langage corporel réceptif et amical Ne croise pas les jambes ou les bras et évite de tripoter ton stylo ou ton stéthoscope.
- Évite également les barrières physiques telles que les tables ou les comptoirs.
- Certains gestes d’affection peuvent être culturellement acceptables et nécessaires, mais tu dois d’abord apprendre à bien comprendre la situation et le type de client avec lequel tu communiques.
Comment transmettre le message de la manière la plus empathique possible
Avant d’annoncer une mauvaise nouvelle concernant un patient, réfléchis aux points suivants, en gardant à l’esprit que la chaleur, le respect, l’éthique et l’empathie sont les clés de la transmission du message.
- Vérifie quelles sont les informations préliminaires que possède ton interlocuteur sur l’état de son animal.
- Prépare une phrase visant à les préparer au fait que les nouvelles annoncées ne vont pas forcément être bonnes.
- Choisis tes mots de façon proactive, directe, soigneuse, sans employer d’euphémismes ou de jargon médical compliqué.
- Adapte ton rythme à la vitesse de compréhension de ton interlocuteur.
- Il est important de ne pas tomber dans une spirale négative. Le fait d’ajouter quelque chose de positif dans ton discours ou simplement un fait objectif positif, comme la bonne gestion de la douleur ou d’une partie des symptômes du patient malgré le mauvais pronostic, aidera le propriétaire à savoir que son animal est bien pris en charge et souffre le moins possible.
- Interprète la réaction émotionnelle de la personne et laisse-la exprimer pleinement et librement ses sentiments, en lui donnant de l’espace et de l’intimité si nécessaire. Adapte ton discours en fonction de la réaction de la personne.
- Donne au propriétaire la possibilité de poser des questions et de demander des éclaircissements, en lui laissant suffisamment de temps pour s’exprimer librement.
- Enfin, résume les informations transmises et ce qui a été convenu verbalement et par écrit.
Le cas particulier de l’euthanasie
Gérer l’euthanasie au niveau administratif de la manière la moins douloureuse possible
Une fois que la décision a été prise, outre la signature obligatoire d’une autorisation d’euthanasie, il est souhaitable de s’accorder au préalable sur les modalités d’incinération ou de traitement de la dépouille.
Si cela est jugé approprié, le paiement anticipé permet au client de partir directement et garantit son droit à l’intimité après avoir dit au revoir à son compagnon. Si le prépaiement risque de créer une situation inconfortable pour le propriétaire, l’équipe d’accueil doit prendre les dispositions nécessaires de manière délicate, privée et rapide afin de rationaliser le processus de départ.
L’environnement dans lequel est pratiquée l’euthanasie
Le confort du patient et de sa famille humaine doit être ta priorité. L’idéal est de disposer d’un espace dédié à ces procédures et à toutes les formalités correspondantes.
- Si cela n’est pas possible, la salle d’euthanasie doit être équipée d’un lit propre et confortable pour le patient, de sièges pour les membres de la famille, d’eau et de mouchoirs en papier.
- Retire de la vue les aiguilles, flacons, seringues et tout matériel pouvant avoir un air « menaçant » et être associé à l’acte clinique. Si cela n’est pas possible, recouvre-les par exemple d’un tissu chirurgical.
- Couvre les lignes intraveineuses après leur mise en place de sorte qu’elles ne soient pas visibles. Élimine immédiatement et discrètement les restes de matériaux en les jetant dans leurs conteneurs respectifs.
La gestion de la procédure d’euthanasie avec les familles
Encourage les propriétaires à accompagner leur animal. (Inutile de souligner l’importance que cela revêt pour ton patient !). Avant de commencer la procédure, explique ce qui va se passer de manière claire, calme et empathique, sans entrer dans les détails techniques. Explique ce que tu vas administrer, dans quel but, et quelle est la réaction physiologique attendue de l’animal.
Ne précipite pas le moment de l’injection. Laisse le propriétaire choisir le bon moment, en recherchant toujours le maximum de confort, de détente et de bien-être pour le patient.
Pendant et après l’intervention, veille à créer autant d’intimité et de confort émotionnel que possible dans la salle, avec le moins de personnel possible, afin de favoriser une atmosphère dans laquelle la famille peut exprimer ses sentiments. Si la famille le souhaite, laisse-lui un peu de temps pour dire au revoir à son animal de compagnie.
Recouvre ensuite le corps d’une couverture propre et ne le prépare pour la crémation que lorsque la famille a physiquement quitté le centre.
Quelques jours après l’intervention, appelle la famille, envoie des fleurs ou une carte postale avec un mot signé par les personnes de l’équipe avec lesquelles l’animal a eu le plus de contacts. Ce sont des gestes qui témoignent d’une grande empathie, qui aident à refermer le cycle du deuil et qui suscitent la fidélité envers le centre.
Une bonne gestion au moment du décès et du deuil suscite de la gratitude et crée un lien avec le centre chez tous les clients.
Apprendre à maîtriser les techniques d’intelligence émotionnelle pour faire face à ces situations est un équilibre délicat entre sensibilité, éthique et discipline. Non seulement cela te permettra de créer la distance nécessaire pour éviter de souffrir des schémas mentaux associés à la fatigue de compassion, mais cela contribuera également à fidéliser les clients et à éviter les mauvaises critiques dues à des expériences négatives à un moment aussi délicat.
Références
- Death, Mourning and their effect on health teams. Carmona Barrios, Z.E; Bracho de López, C.E. Revista de Salud Pública, 2 (2): 14-23, dic: 2008
- AVA . Grief and loss. Sur https://www.ava.com.au/member-services/vethealth/grief-and-loss/
- AVMA. Guidelines for the euthanasia of animals. Sur https://www.avma.org/resources-tools/avma-policies/avma-guidelines-euthanasia-animals
- Cleary, Michelle, Sancia West, Deependra K. Thapa, Mark Westman, Kristina Vesk, and Rachel Kornhaber. “Grieving the Loss of a Pet: A Qualitative Systematic Review.” Death Studies 0, no. 0 (April 21, 2021): 1–12.